Les régions viticoles de Géorgie
La Géorgie compte plusieurs grandes zones viticoles, chacune dotée de terroirs et de cépages qui lui sont propres. En Kakhétie, à l’est du pays, s’étendent les vallées de l’Alazani et du Iori, où dominent les cépages Rkatsiteli, Mtsvane et Saperavi. C’est le cœur historique de la viticulture géorgienne où la tradition millénaire du vin en qvevri. Elle représente 85 % de la production et compte des appellations prestigieuses comme Tsinandali, Mukuzani ou Kindzmarauli. A une heure de route autour de Tbilissi, la Kartlie développe un vignoble plus confidentiel, mêlant sols argileux et calcaire, où l’on trouve aussi bien des blancs vifs que des rouges charpentés. Cette région est en plein boom et prend une place de plus en plus importante dans le vignoble géorgien.
Au centre du pays, la région d’Imerétie, plus humide, se distingue par ses sols rouges sableux et ses coteaux accidentés, favorables à des vins à la fois frais et fruités, élaborés principalement à partir de Tsolikouri, Tsitska et Otskhanuri Sapere. Plus au nord, Ratcha-Lechkhumi pose ses vignes sur des pentes escarpées, où l’on élève de rares rouges moelleux, tandis que la région voisine de Gourie produit des rouges clairs et floraux issus du Chkhaveri. Ces terroirs humides et montagneux donnent naissance à des cuvées très différentes de celles de l’est, marquées par une acidité plus prononcée et une palette aromatique délicate.
A l’ouest, les plaines de Mingrélie donne un rouge d’exception avec le cépage Ojaleshi qui est maintenant protégé dans l’AOP Salkhino. Plus au sud en bordure de la mer Noire, l’Adjarie est la région la plus archaïque car le climat très humide permet rarement au raisin d’atteindre sa pleine maturité. Enfin, au cœur des montagnes de Meskhétie subsistent des vignes sauvages et quelques plantations en terrasse datant de l’époque de la reine Tamar (XIIIe siècle).
Les cépages de Géorgie
La viticulture géorgienne repose sur une incroyable diversité de cépages autochtones, héritage d’une tradition qui remonte à plus de 8 000 ans. Le Rkatsiteli est le roi des blancs secs, représentant 43% de l’ensemble des plantations de vignes soit 20 000 hectares. Fin, vif et minéral, il exprime des notes de pomme verte, de coing et d’agrumes, avec une acidité remarquable qui lui permet l’élevage en jarres d’argile (qvevri) ou en fût. Le Saperavi, cépage noir à la peau épaisse, produit des rouges profonds, tanniques et fruités, capables de vieillissement long et de styles aussi variés que les Mukuzani corsés ou les demi‑secs Kindzmarauli. Le Kisi, plus rare, livre des vins blancs généreux et légèrement oxydatifs, au profil aromatique de fleurs d’acacia, d’abricot séché et de miel, particulièrement travaillés en macération pelliculaire. Quant au Kakhuri Mtsvane, souvent associé au Rkatsiteli, il apporte aux assemblages une touche florale (aubépine, tilleul) et fruitée (poire, pêche), tout en conférant une belle fraîcheur.
Au‑delà de ces quatre piliers, la Géorgie compte plus de 500 cépages répertoriés, dont une soixantaine seulement sont commercialisés : le Chinuri, pour des vins effervescents et frais ; le Tavkveri, cépage rouge du centre, léger et gouleyant ; l’Otskhanuri Sapere, pour des rouges souples et aromatiques ; la Tsitska, destinées à des blancs fruités ; le Goruli Mtsvane, cousin plus léger du Mtsvane, ou encore la combinaison de l’Aleksandrouli au Mujuretuli à Racha-Lechkhumi. Chaque terroir, offre ainsi la possibilité de redécouvrir sans cesse de nouvelles nuances, faisant de la Géorgie une véritable caverne d’Ali Baba pour les amateurs de cépages rares.
Les appellations d'origine protégée géorgiennes
La Géorgie, berceau millénaire de la viticulture, a structuré la protection de ses vins grâce à un système d’Appellation d’Origine Protégée (AOP) inspiré des standards européens tout en préservant ses méthodes traditionnelles. Chaque AOP garantit une délimitation géographique stricte, un choix de cépages autochtones, des rendements maîtrisés et des techniques de vinification adaptées au terroir local.
Parmi les AOP phares, Tsinandali se distingue par son blanc sec issu de Rkatsiteli et Mtsvane, élevé sur sols argilo-calcaires mêlés d’alluvions, où se mêlent finesse florale et minéralité salivante ; Mukuzani, 100 % Saperavi élevé en fûts de chêne, donne des rouges puissants, aux tanins veloutés et aux arômes de fruits noirs et d’épices, capables de vieillir plusieurs décennies ; Kindzmarauli, également à base de Saperavi, offre une version demi-sec équilibrée par une acidité vive, avec des notes de cerise et de prune ; enfin Akhasheni, autre AOP demi‑sec de Saperavi, puise son équilibre dans des sols limono-argileux et un climat légèrement plus humide, livrant des vins voluptueux aux nuances de mûre, de chocolat et de vanille.
Au‑delà des appellations les plus connues, la Géorgie offre également des AOP plus confidentielles mais tout aussi passionnantes : Khvanchkara, petite enclave de 14 ha nichée dans les collines de Ratcha, produit des rouges demi‑secs mythiques, d’une belle rondeur fruitée et d’une douceur parfaitement équilibrée ; Kardanakhi, située sur les coteaux de la rive droite de l’Alazani, élabore des blancs mutés ; Manavi, à l’entrée de la Kakhétie, se consacre à des blancs, d’une finesse cristalline et d’une délicate expression florale ; Bolnisi, en Kartlie méridionale, propose à la fois des vins blancs de Rkatsiteli et des rouges de Saperavi sur des sols volcaniques, marqués par une fraîcheur acidulée et des notes épicées ; enfin, Tvishi, perdue dans les montagnes, offre un vin blanc demi‑sec de Tsolikouri, d’une rare complexité aromatique — poire mûre, litchi et fleurs blanches — et d’une douceur suave parfaitement contrebalancée par une acidité vive.
Les vignerons géorgiens
La viticulture géorgienne puise ses racines dans des dynasties familiales qui, de génération en génération, ont entretenu un lien sacré avec la vigne et la terre. Dans chaque vallée et sur chaque coteau, on trouve des gros domaines tels que Telavi Wine Cellar, fondé en 1929 et fort de ses traditions soviétiques, ou Askaneli Brothers, entreprise familiale qui a su allier modernité et respect des méthodes ancestrales. On n’oubliera pas non plus l’historique château Mukhrani, dont le renouveau a redonné vie à un patrimoine princier et fait rayonner les cuvées fines, élevées selon des normes à la fois classieuses et innovantes. Ces maisons offrent un savoir-faire éprouvé, des chais modernes pour le vieillissement en barriques et des cuvées emblématiques comme les Saperavi robustes ou les Rkatsiteli frais, tout en conservant intacte la pratique du qvevri, jarre de terre cuite utilisée depuis le néolithique.
Parallèlement, une nouvelle génération de vignerons s’affirme en pionnière de l’innovation et du renouveau œnologique. Des noms comme Pheasant’s Tears, fondé par John Wurdeman ou TDWinery fondé par Tengiz Dvalishvili, font le pari des vins « naturels », élaborés sans soufre ajouté et en macération longue, tandis que Giorgi Solomnishvili mise sur le monocépage et devient maître du Saperavi. Le Radisson collection du domaine Tsinandali, quant à lui, a investi dans des installations à la pointe pour offrir des prestations œnotouristiques haut de gamme, associant dégustations, hébergements et vinothérapies.
Enfin, le paysage viticole s’enrichit de petits producteurs et de coopératives villageoises qui cultivent souvent moins d’un hectare et partagent leurs vendanges dans un esprit communautaire : Papari Valley, Sandro Milorava ou encore Kardanakhi Estate en Kakhétie, où la vinification en famille et la vente directe créent un lien intime entre le vigneron et le visiteur. Ces petits domaines incarnent la philosophie du “slow wine”, mettant l’accent sur l’authenticité, la biodiversité et la dimension humaine du vin, signe que la Géorgie cultive aujourd’hui une viticulture à la fois riche de son passé et résolument tournée vers l’avenir.