Marani le chai géorgien

Écrit par Sébastien

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Le marani est un lieux sacrés en Géorgie où le vin est produit selon des méthodes ancestrales. Ce chai peut aussi être une cave à vin où l’on stocke le vin principalement dans des qvevri mais également dans des tonneaux. Le marani figure sur la liste de l’UNESCO qui inscrit la viticulture géorgienne au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Temps de lecture estimé : 10 minutes

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Qu’est ce qu’un marani ?

En géorgien, la cave à vin et le chai sont tous deux appelés Marani. Cependant, le Marani n’est pas seulement l’endroit où le vin est stocké. Le Marani sert souvent à écraser et à presser les raisins, à fermenter le vin et, bien sûr, à stocker et à faire vieillir le vin.

Plus intéressant encore, dans le passé, Marani a également servi de lieu important pour les cérémonies religieuses. En tant que païens, les anciens Géorgiens vénéraient la vigne et la boisson qu’elle produisait, et les traditions actuelles ont conservé certaines pratiques de ces cérémonies originelles. La plupart des villageois géorgiens d’aujourd’hui possèdent encore des Marani en état de marche sur leurs parcelles, généralement situées à proximité de leurs vignobles.

La différence la plus frappante est que tous les récipients à vin – les qvevri – sont enterrés sous terre, contrairement aux rangs de cuves ou aux énormes tonneaux de vin que l’on voit en surface dans une cave classique européenne.

Le marani est un élément essentiel pour comprendre l’ethnographie géorgienne. La conception d’un marani est en premier lieu, déterminé par la quantité de raisin que l’on souhaite travailler. Cela déterminera le nombre de jarres et donc la taille. Ensuite vient la température du sous-sol qui déterminera le meilleur emplacement.

Les deux types de Marani

Les sources ont permis de déterminer les deux principaux types de Marani : les Marani fermés (couverts) et les Marani ouverts.

Les Marani fermés se trouvent principalement dans l’est de la Géorgie, en particulier dans la région de Kakhétie même s’il y en a aussi beaucoup en Kartlie. Les Qvevris sont généralement enterrés dans la pièce la plus basse, les rez-de-chaussée ou le sous-sol afin de protéger le vin des conditions climatiques en gardant peu de lumière et une température constante. Le sol du marani est fait de terre battue compacte. A l’intérieur, on y trouve tout le nécessaire pour les vendanges et la vinification.

En Géorgie occidentale, le type le plus courant est le Marani ouvert. Ici, les Qvevris sont également enterrés dans la terre, mais dans un endroit en plein air, généralement à proximité d’un bâtiment abritant des installations et des outils de vinification. Les tonneaux et les cuves se trouvent à l’intérieur de ce bâtiment. Le fort taux d’humidité de cette partie de la Géorgie fait qu’il faut un emplacement sec dans un sol plutôt sablonneux sans trop de végétation autour, pour que les racines ne viennent pas déranger les jarres. Autour du marani, on aménagera une pergola ou on plantera des cognassiers pour assurer un minimum d’ombre.

Plusieurs villages de Géorgie portent le nom de Marani ou de Marana, ce qui indique probablement l’emplacement d’importantes caves à vin historiques dans la région. Ces villages sont même mentionnés dans les écrits du célèbre écrivain français, Alexandre Dumas, dans son livre « Voyages dans le Caucase ».

Marani
Un marani traditionnel mais plus moderne que celui en photo principale

Où se trouve le marani ?

Dans les fermes, les domaines et les établissements vinicoles de Géorgie, le marani est l’endroit où se fait la vinification. Le marani géorgien, ou cave à vin, peut prendre plusieurs formes : un bâtiment indépendant, une remise, le rez-de-chaussée d’une maison à deux étages, une grotte creusée dans une falaise, une annexe à une maison ou à une église, ou encore une installation en plein air. Dans le marani, le vigneron presse les raisins, produit le vin (en qvevri, en fûts de chêne ou en cuves d’acier inoxydable) et stocke le produit fini.

À l’intérieur du marani, les viticulteurs « plantent » leurs qvevri dans le sol, le bord du récipient se trouvant au-dessus du niveau du sol. Autour du bord du qvevri, le sol du marani est généralement carrelé ou constitué d’une épaisse couche de gravier. La plupart des vignerons d’aujourd’hui possèdent des qvevri de différentes tailles afin de pouvoir expérimenter avec différents raisins et différentes durées de fermentation.

« Pour le vigneron géorgien qui l’a aménagé, un marani n’est pas visible de l’extérieur ; il est du domaine du monde souterrain, en lien étroit aussi avec celui des croyances ; lui seul sait quel sont l’état de remplissage de ses jarres et la qualité de son vin. S’il n’en indique pas l’emplacement à l’hôte de passage, celui-ci ne pourra jamais le localiser, surtout s’il n’est pas originaire du pays. » – Pascal Reigniez, Au pays de la vigne et du vin, la Géorgie.

En lisant ce passage, j’ai rigolé en me rappelant le nombre incroyable de touristes qui ne visitent jamais les caves du domaine d’Alexandre Chavchavadze à Tsinandali car simplement introuvable. En effet, il faut être accompagné et prendre une porte dérobée dans l’hôtel Radisson pour descendre vers le trésor. De la même manière, le vigneron Gotsa (ancien architecte) a construit son marani dans une petite maison insignifiante dans sa cour sauf qu’à l’intérieur vous avez 6 étages sous terre !

Je confirme également qu’il n’y a jamais aucune indication sur la taille et le contenu des qvevri.

Placer les qvevri dans le marani

L’emplacement destin à recevoir le marani est creusé, mais la terre qui a été extraite ne sera pas forcément replacé telle quelle : nombre de vignerons la mélange avec du sable, ou font apporter une terre plus ou moins sablonneuse, aérée, beaucoup la mélange avec de la chaux pour faire un composant homogène qui sera ensuite replacé autour des jarres lorsque celles-ci sont positionnées. D’ailleurs, les qvevri sont enfouies au cordeau, les unes après les autres et à égale distance dans des tranchées parallèles.

Certains vignerons recouvrent la paroi externe de chaque jarre d’une fine enduction de chaux donnant un aspect blanc à la poterie. Cela a pour effet de désinfecter le milieu et de contrer l’avancée des racines. La terre qui entourera les qvevri devra être bien damée afin de la rendre bien compact. Cela permettra une meilleur gestion de la chaleur.

Cet ensemble homogène, presque fusionnel entre la jarre et le sol permet d’assurer un micro-échange gazeux sans pour autant laisser passer l’eau d’infiltration. Cette technique perfectionnée par les vignerons géorgiens pendant des milliers d’années donne ses caractéristiques uniques au vin géorgien.

Depuis quelques années, la tendance est au béton et au carrelage car plus résistant et plus facile à entretenir. Les jarres sont surprotégées avec des matériaux moins nobles ce qui impacte considérablement les échanges entre le vin et son environnement à travers l’argile. Le qvevri devient alors un simple récipient au même titre qu’une cuve en inox. Cette industrialisation des techniques anciennes permet de stabilise la production et donne le droit aux gros acteurs du marché de mentionner « qvevri wine » sur la bouteille. Le vin ne sera pas mauvais en soit, il sera simplement plus aseptisé.

L’entretien du chai géorgien

L’entretien des maranis par les paysans s’effectue principalement en été, lorsque ces structures de stockage sont pratiquement vides. Cette période est propice à l’inspection minutieuse des jarres et de leurs couvercles. Si une jarre endommagée est découverte, le vigneron procède à son remplacement. Il acquiert alors auprès d’un potier une nouvelle jarre de volume équivalent. L’installation requiert un travail précis : après avoir excavé la terre autour de la jarre défectueuse, il la retire et positionne la nouvelle, en s’assurant que son rebord soit parfaitement affleurant après le remblayage.

Les couvercles, éléments essentiels du marani, sont taillés avec précision pour correspondre exactement à l’ouverture des jarres. La pierre est le matériau privilégié, particulièrement pour les maranis extérieurs, tandis que le bois est parfois utilisé pour les installations intérieures. D’autres matériaux comme la terre cuite, le grès, le tuf ou le schiste sont également employés, avec des niveaux de finition variables. Les versions modernes en verre permettent une surveillance visuelle du contenu.

Le retrait du couvercle nécessite une technique particulière pour éviter toute contamination du contenu. Le vigneron commence par enlever méticuleusement la couronne d’argile qui scelle le couvercle, utilisant une bêche en bois pour le décoller délicatement. Après avoir soigneusement nettoyé le pourtour, il se positionne de part et d’autre du couvercle pour le soulever avec précaution et le déplacer latéralement.

Une jarre neuve nécessite un processus de préparation spécifique avant son utilisation. Elle subit plusieurs cycles de remplissage et de nettoyage à l’eau, suivis d’un traitement au marc de raisin laissé en contact plusieurs jours pour imprégner les parois. Certains vignerons utilisent également du vin provenant d’anciennes jarres pour ce conditionnement. L’objectif est d’éliminer l’odeur caractéristique de l’argile neuve qui pourrait altérer le vin. Par précaution, la première année, on y stocke un vin de moindre qualité. Ce n’est qu’à partir de la deuxième année que la jarre est considérée comme neutre et apte à recevoir des vins plus précieux.

Le calfeutrage et le nettoyage des jarre d’argile

Le nettoyage s’effectue quarante jours avant le début des vendages afin d’éviter le développement de champignons à l’intérieur. Je vous invite à lire mon article sur le Qvevri pour en savoir plus.

Après le nettoyage, le vigneron peut décider de calfeutrer la jarre pour le rendre plus hermétique en comblant d’éventuelle fissures. Historiquement, on utilisait un mélange de graisse de chèvre mélangée à une cendre pure tamisée. Cela formé une pate qu’on appliqué sur les parois intérieures. Aujourd’hui, on utilise très souvent de la cire d’abeille. Même si ces substances sont naturelles, il n’y a pas d’étude qui parle de l’impact sur le vin.

Avez-vous déjà visité un marani ? Lequel ? Partagez votre avis dans les commentaires ci-dessous.

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