Dmanisi | Citadelle médiévale & Homo georgicus

Écrit par Sébastien

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Dmanisi (en géorgien : დმანისი, prononcé Dmanissi), située à seulement 2 heures de route au sud de Tbilissi, est un site archéologique d’une importance capitale, tant pour sa contribution à la compréhension de l’évolution humaine que pour son histoire médiévale riche et complexe. En effet, les archéologues ont découverts des fossiles d’Homo georgicus, premiers représentants du genre Homo attestés à ce jour hors d’Afrique. Inscrit sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’UNESCO, le plateau est une immense ville médiévale qui n’a jamais été fouillée. Tout reste à faire !

Temps de lecture estimé : 15 minutes

Période préhistorique

Chronologie des événements de Dmanisi

Pléistocène inférieur (environ 1,85 à 1,78 millions d’années)

  • 1,85 Ma : Éruption de laves mafiques formant le basalte de Mashavera. Le basalte bloque la vallée de Pinezaouri, créant un lac au sud du site actuel de Dmanisi. Début de la formation des dépôts de la strate A, caractérisés par des cendres volcaniques, des sédiments fossilifères et des carbonates pédogénétiques dans la partie supérieure.
  • 1,85 – 1,78 Ma : Premières occupations humaines à Dmanisi, attestées par la présence d’outils lithiques et de restes fauniques. Ces occupations se répètent sur une période d’environ 80 000 ans.
  • 1,78 Ma – 1,77 Ma : Fin de la formation des dépôts de la strate A et début de la formation des dépôts de la strate B, plus riches en artefacts lithiques mais plus pauvres en fossiles. Accumulation des restes fossiles d’homininés (Homo erectus georgicus) dans la strate B, incluant cinq crânes, quatre mandibules et plus de 70 ossements. Les homininés de Dmanisi étaient de petite taille (1,5 m) avec des visages proéminents et des cerveaux plus petits que ceux des humains modernes.
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Photo issue de Science.org

Haut Moyen Âge (XIe-XIVe siècles)

  • IXe siècle : Début du processus d’urbanisation de Dmanisi.
  • XIIe-XIIIe siècles : Dmanisi devient un important centre urbain du Caucase du Sud, jouant un rôle stratégique militaire, économique et culturel. Apparition de pierres tombales avec des inscriptions arméniennes et arabes dans le cimetière chrétien de Dmanisi, reflétant des processus migratoires et une population multiethnique et multireligieuse.
  • Fin du XIVe siècle : Invasions de Tamerlan et destruction de la ville de Dmanisi.
  • XVIIe siècle : Dmanisi est mentionnée dans les sources écrites comme une forteresse avec un petit village reconstruit par la famille féodale Baratashvili.

Époque moderne

Découvertes continues de fossiles d’homininés et d’artefacts lithiques à Dmanisi, enrichissant la compréhension de l’évolution humaine et des premières migrations hors d’Afrique. Les premières fouilles ont eu lieu en 1930 et ont continué dans les années 1960. En 1983, les archéologues découvrent dent de rhinocéros éteint lors de fouilles dans les vestiges de la ville médiévale, signalant l’importance paléontologique du site. Ce n’est qu’en 1991, que le premier fossile d’homininé est mis au jour ce qui constituera un trésor unique pour l’humanité.

En savoir plus en lisant cette article : Earliest human occupations at Dmanisi

Qui est l’Homo erectus georgicus ?

L’Homo erectus georgicus est un hominidé primitif datant du Pléistocène (il y a 1,80 million d’années) qui a été découvert à Dmanisi, en Géorgie. Les découvertes de Dmanisi sont les plus anciennes d’Eurasie et représentent le premier lieu de migration hors d’Afrique. Le site est exceptionnellement riche en ossements fossiles d’hominidés, avec cinq crânes, quatre mandibules et plus de 70 ossements de squelettes découverts à ce jour.

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Photo issue de Science.org

Nous savons que l’Homo erectus georgicus était plus petit que l’homme moderne, mesurant environ 1,5 m de haut. Il avait un visage saillant et un cerveau plus petit, environ la moitié de la taille du cerveau d’un homme moderne. Il était bipède et avait des pieds et des membres inférieurs bien développés, ce qui lui permettait de se déplacer facilement dans son environnement.

Les outils trouvés à Dmanisi comprennent de simples éclats pour gratter et couper, et des hachoirs sphériques pour piler. Aucun biface, un outil plus sophistiqué associé à l’Homo erectus en Afrique de l’Est, n’a été trouvé à Dmanisi. Les outils de Dmanisi ont été fabriqués à partir de 50 matières premières différentes, ce qui suggère que les fabricants d’outils n’étaient pas particulièrement sélectifs.

La découverte de l’Homo erectus georgicus à Dmanisi a remis en question l’idée que les premiers hominidés à quitter l’Afrique étaient des Homo erectus classiques. La petite taille et le petit cerveau de l’Homo erectus georgicus suggèrent que les premiers migrants étaient plus primitifs que ce que l’on pensait auparavant. Certains paléoanthropologues pensent que les fossiles de Dmanisi fournissent un meilleur aperçu des formes primitives de l’Homo erectus que les fossiles africains fragmentaires.

Il faut souligner le travail remarquable d’Abesalom Vekua, Paléontologue ayant étudié les premiers restes fauniques découverts à Dmanisi en 1983, reconnaissant leur importance et lançant les recherches paléoanthropologiques sur le site. David Lordkipanidze, Directeur général du Musée national géorgien et figure clé des fouilles et des recherches à Dmanisi. Reid Ferring, Oriol Oms, Jordi Agustí, Francesco Berna, Medea Nioradze, Teona Shelia, Martha Tappen et David Zhvania, les scientifiques ayant contribué aux fouilles, aux analyses et aux publications sur Dmanisi, notamment concernant la géologie, la datation et les artefacts lithiques.

homo georgicus

Période médiévale à Dmanisi

Dmanisi a été une ville importante au Moyen Âge, avec une histoire riche et une diversité culturelle et ethnique. Dmanissi est mentionné pour la première fois au IXe siècle comme une possession de l’Émirat de Tbilissi. Elle a appartenu aux Arabes pendant sa première phase de développement du IXe au XIe siècle, puis au royaume arménien de Tashir-Dzoraget, et enfin aux Turcs seldjoukides.

David 4 dit « le bâtisseur » s’empare de Dmanisi en mars 1123, mais son fils Démétrius Ier doit reconquérir la ville en 1125. Sous le royaume de Géorgie, Dmanisi continue de prospérer ; l’artisanat et le commerce y sont florissants. Au cours de cette deuxième phase du XIIe au XIVe siècles, Dmanisi atteint son apogée en tant que centre stratégique et commercial du royaume géorgien.

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Une pièce de cuivre du roi David VI de Géorgie à Dmanisi en 1245.

L’histoire économique dynamique de Dmanisi est attestée par plus de 800 pièces de monnaie, pour la plupart étrangères, trouvées dans la région, ainsi que par des objets archéologiques tels que des faïences iraniennes importées et des céladons chinois, ainsi que des poteries, des verreries et des bijoux produits localement.

Malheureusement, la ville a été dévastée par les invasions de Tamerlan à la fin du XIVe siècle, et a ensuite été reconstruite en tant que forteresse avec un petit village. Mise à sac de nouveau par les Turkmènes en 1486, Dmanissi ne retrouva jamais son importance et redevint un village jusqu’à nos jours.

Dmanisi était un centre urbain important sur les routes commerciales, ce qui a favorisé son développement économique et culturel. Il y avait un grand commerce, une production de céramiques vernissées et non vernissées, de verre, de métal, de textiles, de cuir et d’huile d’olive. La ville avait également sa propre monnaie où des pièces de cuivre étaient produites. La ville était un centre multiethnique, avec des populations géorgiennes, arméniennes et musulmanes.

Quoi voir à Dmanisi ?

Les recherches ont révélé une forteresse de l’âge du bronze, beaucoup plus grande qu’initialement estimée, avec une muraille défensive d’un kilomètre, un chef-d’œuvre d’ingénierie antique qui serpente sur un kilomètre à travers le paysage montagneux du Caucase. Les images aériennes par drone ont permis de cartographier avec précision la forteresse et ses structures. « Ces ensembles de données nous ont permis d’identifier des caractéristiques topographiques subtiles et de créer des cartes précises de toutes les fortifications, tombes, systèmes agricoles et autres structures en pierre au sein de l’enceinte extérieure ».

dmanisi

La citadelle de Dmanisi

La cité médiévale se compose d’une forteresse intérieure, de bâtiments civils et religieux, et de faubourgs. Les maisons étaient construites en basalte, recouvertes d’enduit. On a retrouvé des ateliers, des poteries et une mosquée. Les faubourgs comprenaient des cimetières, des églises, des moulins et des bains publics (voir ci-dessous).

La partie sud du promontoire était occupée par une citadelle d’environ 3 250 mètres carrés. Elle était située à l’intérieur de l’enceinte de la ville, séparée de celle-ci par un rempart spécial qui contient l’unique porte. La citadelle contenait un palais, des bains, une cave à vin et d’autres structures encore visibles aujourd’hui.

L’Église Sioni

L’église de la Vierge Marie, datant du VIe siècle, est un exemple significatif de basilique à trois églises. Elle est décorée d’ornements et d’inscriptions datant des XIIIe et XIVe siècles avec la croix de Bolnisi en pierre rouge dans le coin sud-ouest. Un clocher rectangulaire a été érigé sur le côté est de l’église. On estime que cette tour faisait 2 à 3 fois sa taille à l’époque.

Le tunnel secret

Dernière l’église, en vous perdant dans la verdure, vous arrivez au tunnel secret de 200 m de long. En grande partie préservé à ce jour, il menait à la rivière Mashavera et permettait de s’approvisionner en eau lors des sièges.

Le musée de Dmanisi

Le musée en plein air est administré le musée national géorgien en tant que réserve historique et architecturale de Dmanisi. Il contient une salle d’exposition où sont exposés plus de 2 300 objets. Au centre vous avez les fouilles avec toutes les strates millénaires visibles. A droite des fouilles, le grand bâtiment était une mosquée. Juste à côté vous avez des qvevri encore enterrés ce qui montre la quantité de travail qu’il reste à faire. Le musée de Dmanisi fonctionne de manière saisonnière, de mai à octobre et demande un petit droit d’entrée.

Dmanisi qvevri

La cité médiévale

Une route venant du sud entrait dans la ville par une porte. Son prolongement et les rues à l’intérieur de la ville avaient une largeur d’environ 2,5 mètres, étaient pavées de grandes dalles de pierre et bordées d’un muret de pierre. Les maisons de Dmanisi étaient construites avec des lignes irrégulières de pierres basales, avec des cheminées et des niches en brique, des murs intérieurs enduits et, pour les maisons les plus riches, recouverts de carreaux de céramique verte.

En contournant le musée, vous pouvez entrer dans la cité médiévale sur le plateau. Il n’y a aucune route où panneau explicatif. Vous devez vous frayer un chemin en suivant les pas de vos prédécesseurs. Ce n’est pas très compliqué et vous pouvez faire une boucle en 20 minutes. Faites simplement attention où vous mettez les pieds car il peut y avoir des qvevri cachés ou pire des réservoirs d’eau. La balade va jusqu’au bout du plateau et passe par une petite église avec quelques tombes et des très vieilles inscriptions.

Le cimetière de Dmanisi

Le cimetière de Dmanisi s’étend sur une vaste zone de 25 hectares. Depuis la citadelle, il représente toute la colline en face. Il contient des tombes de l’âge du bronze et de l’âge du fer, ainsi que des sépultures de l’époque médiévale.

  • Tombes chrétiennes : Fosses recouvertes de dalles, tombes en ciste, avec des stèles de pierre ornées de croix. Les corps étaient en position couchée, la tête à l’ouest. La découverte de pierres tombales avec des inscriptions géorgiennes réfute l’idée que les Géorgiens n’avaient pas la tradition de mettre des épitaphes sur leurs pierres tombales à l’époque du haut Moyen Âge. Une inscription mentionne le nom d’Okro et l’autre celui d’Ebi/Ebia/Ebita. Ces inscriptions sont en asomtavruli, l’écriture géorgienne la plus ancienne.
  • Tombes musulmanes : Stèles plates, parfois sur des socles, ou des pierres en forme de sarcophages avec des inscriptions arabes. Elles sont orientées pour que le défunt soit tourné vers la Mecque.
  • Mausolées : Plus de dix mausolées, certains de forme quadrangulaire, d’autres circulaires, avec des dômes et des sépultures à l’intérieur.
Mausolée Dmanisi

Les sépultures contenaient peu d’objets, principalement des ornements personnels, comme des bracelets, des perles et des bagues en métal, en verre, en agate ou en ambre. Certaines sépultures étaient regroupées en enclos familiaux, indiquant des pratiques funéraires spécifiques à certaines familles. Les squelettes sont souvent disposés de manière similaire dans les tombes : la plupart du temps en position supine, avec les bras sur le ventre, bien que des variations existent. Dans certains cas, des individus étaient enterrés les uns sur les autres. Les éléments architecturaux et ornementaux présents sur les pierres tombales montrent une influence mutuelle entre les traditions funéraires géorgiennes et islamiques.

Je ne vous cache pas qu’il est difficile de voir les choses si vous n’avez pas les connaissances ou l’expérience. C’est pour cela que l’aide du directeur des fouilles m’a été précieuse. Je vous transmets tout ce que j’ai appris dans mes excursions.

Les bains publics de Dmanisi

Le long de la rive droite du Pinezauri, on trouve les ruines de trois bains publics. Ils ne sont pas faciles à trouver. Vous devez prendre un petit chemin derrière les maisons pour atteindre la rivière.

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