Didgori est un mont faisant 1647 mètres de haut et situé à 40 kilomètres de Tbilissi. Il est connu pour avoir été le lieu où s’est déroulée la célèbre victoire du roi géorgien David IV sur les armées seldjoukides, le 12 août 1121. Le champ de bataille s’étend sur plusieurs kilomètres d’abondantes prairies subalpines. Depuis 1997, Didgori est aussi un lieu de mémoire commémorant cet événement historique. En 2019, les 27 kilomètres de piste connectant le sud au nord de Kartlie ont été entièrement rénovés, créant ainsi l’une des routes les plus pittoresques de Géorgie. Dans cet article, je vous parle de tous les points d’intérêt à ne pas manquer sur cette magnifique route.
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Brève histoire de la bataille de Didgori
La bataille de Didgori s’est déroulée entre les armées du Royaume de Géorgie et de l’Empire seldjoukide dans les valons du mont Didgori, à 40 km à l’ouest de Tbilissi, le 12 août 1121. La grande armée musulmane, sous le commandement d’Ilghazi, n’a pas pu manœuvrer et a subi une défaite dévastatrice grâce aux tactiques militaires efficaces du roi géorgien, David IV dit « le batisseur ».
Empire Seljoukide
Pour la petite histoire, les Seldjoukides sont les membres d’une dynastie turco-persane, de confession musulmane sunnite. Issues d’une tribu nomade turque oghouze vivant à l’origine au nord de la mer d’Aral (actuel Kazakhstan), ils fondent l’empire en 1038 après la conquête du Khorassan, une province de l’Est de l’Iran. À partir de ce moment, l’empire ne cessera de s’entendre pour contrôler à son apogée l’Iran, l’Irak, la Syrie, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizistan, une partie du Kazakhstan, la Jordanie, Israël, le Liban, tous les émirats du golfe Persique, la Turquie et le Caucase. En 1092, à la mort de Malik Shah Ier, l’empire se morcele et fini par disparaître un siècle plus tard.
Les forces en présence
La bataille de Didgori a été le point culminant de la guerre entre la Géorgie et les Seljoukides. Dans les valons de Didgori, 100 000 à 200 000 géorgiens descendent de la vallée de Nichbisi, depuis l’ancienne capitale de Mtskheta. David VI divise ses troupes en deux parties, l’une sous son commandement personnel et l’autre, plus petite, sous les ordres de son fils Démétrius Ier, cachée sur les hauteurs voisines, avec l’ordre d’attaquer le flanc à un signal donné. En face, entre 400 000 et 600 000 musulmans remontent par toutes les routes du sud. Le sultan arrive de Ganja et fait une pause à Tbilissi, sous contrôle Seljoukide à ce moment.
On sait peu de choses du plan de bataille exact d’Ilghazi, de son plan d’action et de son ordre de bataille, si ce n’est que l’on suggère généralement le déploiement d’un grand nombre de troupes légères, en particulier des archers et de la cavalerie légère en avant-garde pour harceler les lignes ennemies, tandis que le gros de l’armée restait derrière en formation de combat ordonnée. Il est suggéré que l’avant-garde d’Ilghazi s’est approchée de l’armée de David et a fait état d’une force beaucoup moins importante que prévu, ce qui a pu renforcer la confiance d’Ilghazi au point qu’il ne s’attendait pas à être surpris. On prétend également que la cavalerie légère seldjoukide a chevauché devant les Géorgiens et a commencé à leur tirer dessus et à les narguer, ce qui n’a eu que peu ou pas d’effet sur leur moral. Il n’y a aucune preuve de la présence de cavalerie lourde du côté d’Ilghazi, ni d’aucun type de cavalerie qui aurait pu rivaliser avec celle des Géorgiens.
L’élément central de l’armée de David était son armée de serviteurs, la suite personnelle du roi, qui se composait de 5 000 guerriers à cheval bien entraînés et lourdement armés, munis de lances et d’arcs. Ils étaient utilisés comme cavalerie de choc avec la noblesse. Les croisés, la cavalerie Kipchak et une petite partie de l’infanterie sont déployés au centre de l’armée géorgienne autour de la bannière du roi, tandis que le reste est également réparti en deux grandes ailes, initialement hors de vue des Seldjoukides. Chaque formation était dirigée par une grande et dense ligne de cavaliers. La cavalerie lourde enfonçait les rangs ennemis avec ses lances, rejointe par l’infanterie qui empêchait le corps principal des Seldjoukides de se battre, tandis que la cavalerie se regroupait et menait des attaques répétées jusqu’à ce que l’ennemi cède. Au moindre signe d’effondrement, David envoyait alors en avant sa cavalerie Kipchak. Initialement, le roi et tous ses proches restaient au centre, mais ils changeaient immédiatement de position lorsque la bataille commençait. Au cours de la bataille, David IV prend le commandement de l’aile gauche de son armée, tandis que Démétrius dirige l’aile droite.
Déroulement de la bataille de Didgori
David a envoyé un petit détachement de Kipchak de ses hommes afin de simuler des négociations. Les musulmans pensaient que ce petit détachement avait quitté l’armée géorgienne en quête de protection et ne le considéraient donc pas comme une menace. Pendant ce temps, les Géorgiens parviennent à déployer une grande partie de leurs forces de manière à encercler l’ennemi dans un mouvement de pince. Leurs adversaires n’étaient pas au courant de ces activités. À l’approche des chefs seldjoukides, les déserteurs, profitant de l’assurance des musulmans, les attaquèrent à coups de flèches, tuant tous les commandants seldjoukides en vue et d’autres personnes qui assistaient à la réunion.
Pendant ce temps, David ordonna une attaque frontale de l’avant-garde ennemie avec ses chevaliers croisés, qui non seulement dévasta les lignes avancées de l’ennemi, mais entraîna également les archers seldjoukides dans un combat rapproché, éliminant ainsi une composante cruciale de la force d’Ilghazi. Cette ruse a semé le chaos et la panique parmi les musulmans. Les Géorgiens commencèrent alors à avancer rapidement sur les flancs depuis le côté ouest de la montagne, en formation complète. Ilghazi et son gendre survécurent tous deux à l’attaque de l’avant-garde, mais furent gravement blessés au cours du combat et se retirèrent du champ de bataille, laissant l’armée seldjoukide pratiquement sans chef.
La majorité de ses commandants ont été blessés ou tués, ce qui a semé la confusion et probablement entraîné un manque de réaction adéquate face à la situation chaotique. Le roi David n’hésita pas et dirigea personnellement le flanc droit géorgien, ordonnant à sa cavalerie lourde de foncer directement sur le flanc gauche seldjoukide, apparemment désorganisé, qui tentait de renforcer l’avant-garde. Ayant l’avantage de se déplacer en descente, la charge de la cavalerie géorgienne s’est avérée très efficace.
Presque simultanément, l’aile gauche, sous le commandement du fils de David, Démétrius, frappe le flanc droit des Seldjoukides, également avec une cavalerie lourde. Lorsque l’infanterie géorgienne a rejoint le combat, les troupes seldjoukides ont commencé à paniquer et ont battu en retraite en masse par l’énorme trou dans l’arrière-garde de leur armée, qui n’était pas engagée dans la bataille. Cela a provoqué la fuite d’un grand nombre de troupes seldjoukides non impliquées, provoquant une déroute massive, tandis que leur avant-garde était complètement anéantie. Selon un chroniqueur géorgien, les troupes du roi David les ont poursuivis pendant trois jours « les passant tous au fil de l’épée ».
Conséquence de la victoire
La victoire de Didgori conduit à la reconquête de Tbilissi par les Géorgiens en 1122 et inaugure l’âge d’or médiéval de la Géorgie. Pendant cette période, David IV et ses successeurs étendent le royaume jusqu’à occuper l’Arménie, l’Azerbaïdjan et une partie de la Turquie. L’expansion du royaume de Géorgie se termine avec l’irruption des Mongols dans le Caucase en 1220 sous le règne de Georges IV, fils de la célèbre reine Tamar.
La route de Didgori
La nouvelle route pittoresque qui relie le sud au nord de Kartlie fait 27 kilomètres de long. Si vous faites la boucle complète en partant du centre de Tbilissi, il faudra compter 110 kilomètres et environ 2h30. En chemin, il y a plein de choses à voir et je vous garantis que c’est une magnifique journée qui vous attend.
Si vous vous trouvez en Géorgie le 12 août, faites coïncider votre visite avec le festival annuel de Didgoroba, une grande fête qui marque l’anniversaire de la bataille par des événements culturels et sportifs, de la musique folklorique et un défilé.
En hiver, toute cette région est recouverte d’une épaisse couche de neige. La route est souvent fermée pendant cette période, car extrêmement glissante à cause des vents violents. Il est préférable de faire la boucle en saison. En automne, c’est magnifique !
Zoomez sur Didgori à l’ouest de Tbilissi en utilisant la carte ci-dessous pour découvrir tous les points d’intérêt à ne pas manquer.
Le mémorial de Didgori
Le monument de Didgori immortalise la fameuse victoire. Construit au début des années 1990 sur le champ de bataille, il est centré sur un énorme monument de pierre, une épée ornée d’un lion. D’immenses épées métalliques en forme de crucifix plongées dans le flanc de la colline représentent les vies perdues au cours de la bataille. Dans les prairies aux alentours, des sculptures de guerriers défigurés, semblables à celles du monument aux morts de la ville de Gori, reposent en solitaire.
Un ensemble de cloches et une plaque se trouvent à côté de la croix de pierre. En contrebas, au pied de l’escalier de pierre qu’il faut gravir pour atteindre le sommet, on trouve un petit auditorium et plusieurs autres éléments sculpturaux, dont une tour de cloches et un hibou en bronze.
Plus loin sur la route, une statue de 30 mètres de haut représentant David le Bâtisseur levant une trompette pour appeler ses troupes domine la ligne des arbres.
Les monuments de Didgori s’étendent sur une vaste superficie. Il vous faudra une bonne heure pour tout voir et visiter la petite église Saint-Georges située à proximité.
Excursion privée d’une journée à Didgori
La boucle complète au départ de Tbilissi nécessitera environ 3 heures de voiture, ce qui nous laisse largement le temps de faire tous les points d’intérêt sur la route en commençant par le magnifique point de vue de la forteresse d’Azeula. Faites-moi confiance, cette excursion est complètement en dehors des sentiers battus. Aucun touriste ne la fait.
Inclus dans le tour
- Votre guide-accompagnateur personnel
- Prise en charge et retour à votre hôtel
- Le transport en voiture (Essence comprise)
- Une bouteille d’eau
Non inclus dans le tour
- Vos repas et boissons
- Les entrées dans les musées
- Les pourboires
Autres choses à ne pas manquer sur la route de Didgori
En faisant la route dans le sens des aiguilles d’une montre, voici les lieux à ne pas manquer sur votre chemin.
Forteresse d’Azeula
La forteresse est mentionnée dans les Chroniques géorgiennes, mais l’époque de sa construction est inconnue. Le château est situé à 1350 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il est construit sur le sommet d’une haute montagne d’origine volcanique, ce qui explique pourquoi cet endroit était inattaquable dans le passé. La forteresse avait une grande importance stratégique pour la Géorgie féodale. Elle traversait la seule voie d’accès à Tbilissi depuis l’Arménie et défendait une route de caravanes allant de Gardabani à Kartlie. Lorsque des ennemis approchaient de la ville, un feu de signalisation était allumé dans les tours du château. Le château a été attaqué et conquis à plusieurs reprises par les ennemis.
Dans les années 1060, le roi Bagrat IV l’a reprise à l’émir Fadlon. Lors de la « Grande invasion turque » de 1080, la forteresse fut capturée par l’ennemi, et c’est alors qu’elle reçut le nom de « Kor Ogli ». Ce nom était encore utilisé sur les cartes topographiques soviétiques. En juillet 1118, David le Bâtisseur assiégea Agarani en une journée et, en 1123, la donna à Ivane Orbeli. Les Orbeli se sont ensuite rebellés contre le roi Georges III et ont perdu leur possession. La « forteresse d’Agarani » était une résidence d’été des rois géorgiens. Selon les chroniques, la reine Tamar fut amenée malade à Agarani et y mourut, mais le lieu de sa sépulture est inconnu. Au XVe siècle, la forteresse appartenait à la famille Sologashvili et s’appelle alors « Forteresse de Kojori ». Selon Vakhushti Batonishvili, elle était aussi connue sous le nom de « Forteresse d’Azeula ».
Pour y accéder, vous devez traverser tout le village de Kojori en suivant les panneaux. Vous pouvez vous garer quand la route asphaltée se termine ou continuer sur 1 kilomètre jusqu’à l’église si vous avez un 4×4. Il faudra ensuite gravir la pente puis prendre les escaliers métalliques pour arriver au sommet. Si vous avez le vertige, l’ascension risque d’être très compliquée. De là-haut, vous avez une vue extraordinaire sur tout le sud de la Géorgie. C’est pour moi l’arrêt le plus sympathique sur la route de Didgori.
Kiketi
Kiketi est un charmant petit village avec de riches villas. Sur place, vous avez 3 producteurs de vin, Gotsa, Tanini et la ferme de Kiketi qui fait aussi restaurant et hôtel avec un vrai bania russe. Les prix sont élevés, mais c’est un super complexe, non loin de Tbilissi. Ils proposent aussi des balades à cheval et des petits tours sur l’hippodrome pour les plus jeunes. Par ailleurs, il organise souvent des événements, comme un festival de vin chaque année. Si vous prenez la route de Didgori dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, il est intéressant de dîner ici.
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Monastère d’Udzo
La montagne des Pères de Saint-Georges se trouve sur le mont Udzo à 1416 mètres d’altitude. Il offre des vues magnifiques et une forêt agréable et fraîche.
L’église médiévale a été construite par un homme sans enfant (Udzo signifie sans enfant en géorgien) qui a demandé à Saint-Georges de lui donner un enfant. Son rêve s’est réalisé et, par la suite, les femmes sans enfant venaient prier ici. Les personnes qui venaient ici pour prier laissaient un sacrifice sur l’un des arbres (cet arbre est toujours appelé « l’arbre à souhaits »). Par la suite, le mot « Udzeo » a été utilisé pour désigner la montagne et l’église. Le mardi qui suit le jour de Pâques, la journée d’Udzo est célébrée. Les habitants des villages voisins viennent ici et se rassemblent pour la fête.
Monastère de Béthanie
Le monastère de Béthanie est une pièce architecturale remarquable de l’âge d’or géorgien, au tournant des XIe et XIIe siècles. Il renferme une très rare peinture murale de la reine Tamar, son fils et son père, encore en très bon état. Le nom du monastère est dérivé de celui du village de Béthanie en Palestine, décrit dans le Nouveau Testament comme la maison de Marie.
L’histoire du monastère est mal connue. Apparement, il s’agissait d’une abbaye familiale de la maison Orbeli. L’image des donateurs Sumbat et Liparit Orbeli devant la Mère de Dieu figure sur le transept sud du monastère. Les Orbeli ont été temporairement dépossédés de leurs domaines par la couronne royale à la fin du XIIe siècle, mais leur descendance ultérieure, la famille Gostashabishvili, semble avoir été propriétaire du monastère au début de la Géorgie moderne. Les invasions à répétition ont dépeuplé le monastère. Il a été restauré au XIXe siècle par deux moines qui ont été fusillés pendant les purges soviétiques. Betania a été le seul monastère géorgien en activité, bien qu’officieusement, jusqu’en 1963.
On visite cet endroit pour les fresques de l’église principale qui marquent l’un des points culminants de la peinture murale médiévale géorgienne. La conque de l’autel contient une scène de Supplication dont seuls les fragments de la figure du Christ trônant ont survécu. Les murs des absides derrière l’autel sont décorés de fresques de prophètes tenant des rouleaux avec des inscriptions géorgiennes. Le mur nord est occupé par un cycle de la Passion du Christ, tandis que le mur sud contient les scènes de l’Ancien Testament et le mur ouest celles du Jugement dernier.
Le transept nord du monastère est remarquable pour la représentation des monarques géorgiens datant de 1207. Il s’agit des portraits de Georges III, de sa fille la reine Tamar et du fils de cette dernière, Georges IV. Le prince russe Grigori Gagarine a découvert et nettoyé l’image de Tamar en 1851. Georges IV est représenté comme un jeune homme imberbe vêtu de la robe de la cour géorgienne, mais il porte une couronne et une épée. Ces attributs suggèrent que Georges est représenté comme un jeune roi après son cocouronnement avec sa mère, qui a eu lieu après la mort de son père, David Soslan, en 1207. La peinture permet donc de déterminer la date approximative de l’église de Betania.
Église de Tsveri
L’église Saint-Georges de Tsveri est située sur un piton rocheux à l’ouest de Tbilissi sur la route menant à Didgori. De cet endroit, s’ouvre une belle vue sur la région. La date de construction de l’église est inconnue, mais elle est faite de briques, de pierres et de mortier. Elle est toute petite, mais les fresques sont magnifiques et très récentes. C’est le prête en charge de ce lieu qui les a réalisées.
Pour l’atteindre, vous devez prendre une piste qui descend sur la droite après Akhali pPantiani. Celle-ci est en bon état jusqu’à la petite plaine où vous trouverez des tables pour pique-niquer. Le dernier kilomètre se dégrade, donc je préconise de le faire à pied.
Forteresse de Nichbisi
Le château de Tsitsichvili est le dernier point d’intérêt de la route de Didgori. Située dans le village de Nichbisi, la forteresse date du XVIIème siècle. Il appartenait à la famille Tsitsishvili. Le complexe comprend un palais, une tour résidentielle de deux étage, un bain et les remparts. Il est possible d’accéder au deuxième étage de la tour par un escalier en pierre. A cet étage, une porte dans le mur nord donne sur un balcon. Du deuxième étage, un escalier mène au troisième étage de combat, qui a été partiellement conservé.
En 1987, la tour résidentielle a été restaurée. Dans la cour, il y a un bain qui se compose de sept espaces, séparés les uns des autres par des murs. Depuis l’entrée du bain, nous nous trouvons dans la deuxième pièce, au centre de laquelle se trouve un bassin quadrangulaire en gradins. Un couloir allongé relie cette pièce au bain principal et au petit bain.
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