Régions viticoles et terroirs albanais

Écrit par Sébastien

Vin albanaisRégions viticoles et terroirs albanais

L’Albanie possède un patrimoine viticole autochtone riche avec des cépages indigènes uniques, souvent cultivés de manière artisanale dans des terroirs encore préservés. Le territoire peut se diviser en 5 régions viticoles : la Kallmet au nord, Berat et les collines centrales, Permet et la vallée de la Vjosa, les plaines côtières et les hauts-plateaux de Korça.

Bien que l’Albanie ne dispose pas encore officiellement d’AOP viticoles reconnues au niveau européen, plusieurs zones et cépages autochtones sont en train d’émerger comme candidats naturels à cette reconnaissance, en particulier avec l’appui de l’UE et d’ONG spécialisées. Le cépage Kallmet dans le nord et le Puls de Berat sont les deux candidats les plus avancés vers une potentielle reconnaissance en AOP.

Dans cette article vous trouverez les 5 terroirs albanais avec pour chacun, une brève histoire, une description des spécificités et techniques humaines, quelques lignes sur le climat et les sols et quelques mots sur le vin dominant.

Temps de lecture estimé : 26 minutes

Kallmet, la star du nord

La région de Kallmet séduit par ses collines douces, son cépage éponyme d’exception et une tradition ancestrale de vinification qui traverse les siècles. Entre Shkodra et Lezha, Kallmet est aujourd’hui considérée comme « la région » du rouge albanais par excellence, offrant des cuvées à la personnalité affirmée, propices aux épicuriens en quête de découvertes œnologiques authentiques.

Brève histoire de la viticulture dans la région de Kallmet

Durant près de cinq siècles d’occupation ottomane, les vins de Kallmet seront principalement consommés sur place, sans grands débouchés à l’export. Les pressions fiscales et la réorganisation des terres ont freiné la viticulture, qui a néanmoins survécu grâce aux micro-terroirs familiaux. Les techniques restaient alors artisanales : vendanges manuelles, pressurage sommaire et élevage en amphores ou en jarres de terre cuite.

Au début du XXᵉ siècle, la finesse du Kallmet commence à être reconnue hors d’Albanie : en 1903, la cuvée de la famille Suma remporte un diplôme de mérite à la Foire de Thessalonique, puis des médailles à Bari dans les années 1930. Ces premiers succès internationaux posent les jalons d’une viticulture capable d’allier tradition et prestige.

Ce n’est qu’en 2006 que la région entre véritablement dans l’ère moderne, avec la création de Kantina Kallmeti par les frères Gjini, déterminés à valoriser le cépage local et son terroir. Grâce à l’appui d’œnologues italiens et à l’introduction de cuves inox et de barriques, les rendements et la qualité gagnent en homogénéité. Depuis, plusieurs domaines emboîtent le pas, faisant de Kallmet l’un des pôles de l’« albanian wine renaissance ».

Terroir, spécificités et techniques humaines

La région de Kallmet s’étend sur les contreforts des Monts Vela, 11 km au nord de Lezhë, dans un paysage où les coteaux alternent zones alluviales et plateaux calcaires. Les vignes s’épanouissent sur des pentes modérées (50–300 m d’altitude), exposées sud et sud-ouest, bénéficiant d’un ensoleillement maximal.

Les sols se composent essentiellement d’un mélange argile-graviers, alluvions anciennes et limons, offrant à la fois bonne rétention hydrique et drainage optimal. Cette combinaison favorise une maturation lente et régulière des baies, essentielle pour l’expression aromatique du cépage Kallmet.

Sur le plan humain, la région pratique depuis toujours la conduite en pergola, garantissant une circulation d’air efficace et une protection naturelle contre les fortes chaleurs estivales. Aujourd’hui, de plus en plus de domaines mettent en œuvre la taille guyot et la vendange manuelle sélective afin de sublimer la qualité des raisins et d’assurer un minimum d’intervention en cave.

Climat de la région de Kallmet

Kallmet bénéficie d’un climat de type méditerranéen, caractérisé par des étés chauds et secs et des hivers doux et relativement humides. Les températures estivales oscillent généralement entre 25 °C et 30 °C, tandis que les pluies se concentrent surtout entre octobre et mars, assurant la recharge des sols avant la saison de croissance.

Les nuits d’été sont fraîches grâce à l’altitude modérée des vignes et à l’effet de brise provenant du Drin et de la mer Adriatique, favorisant un contraste thermique jour-nuit qui préserve l’acidité naturelle des raisins et renforce la complexité aromatique.

Au printemps, la région peut connaître des épisodes orageux localisés, bénéfiques pour l’alimentation en eau des souches, mais nécessitant une vigilance contre les maladies cryptogamiques. Les viticulteurs adaptent alors leur conduite (effeuillage, passages en vert) pour limiter les risques.

Kallmet

Géologie et sols

Sur le plan géologique, Kallmet repose sur un substrat calcaire issu de dépôts marins du Crétacé supérieur, traversé par des poches de marnes et de calcaires dolomitiques. Cette structure induit des sols riches en minéraux (calcium, magnésium) et confère aux vins une minéralité caractéristique.

Les zones basses de la plaine de Zadrima apportent un apport d’alluvions fines (limon, argile) déposées par le Drin, offrant plus de fraîcheur hydrique lors des étés caniculaires. Les parcelles en coteaux, plus drainantes, exigent des vignes une plus grande profondeur racinaire, participant à la concentration aromatique des baies. 

Les coteaux calcaires abritent parfois des poches de graviers arrondis par l’ancien lit fluvial, améliorant encore le drainage et la restitution de chaleur nocturne. Cette mosaïque de sols produit une diversité de micro-terroirs, exploités par les vignerons pour réaliser des cuvées de terroirs distincts.

Le vin de Kallmet

Les vins de Kallmet sont généralement reconnus pour leur caractère affirmé, leur couleur rouge intense, pouvant tirer vers le pourpre ou le rubis, et leur bonne structure. Ces vins offrent un profil complexe et distinctif. On y retrouve fréquemment des notes de fruits rouges mûrs, comme la cerise, la cerise rouge et noire, la fraise et la mûre, ainsi que des nuances de fruits noirs et de prune. Des touches boisées sont également courantes, évoquant le chêne, le cèdre, le tabac et la vanille, particulièrement si le vin a été élevé en fût. Le Kallmet peut aussi développer des arômes terreux de cuir et de fumée, ainsi que des notes épicées de poivre, de réglisse et de clou de girofle. En bouche, il est souvent décrit comme tannique et corsé, avec une acidité vive qui lui confère fraîcheur et une belle longueur.

S’il fallait n’en choisir qu’un, je dirais que le Kallmet Reserve du domaine Arbëri est sans conteste la cuvée phare de la région. Issue à 100 % de Kallmet, elle affiche une robe rouge profonde et intense, évoquant immédiatement la richesse de son cépage autochtone. Au nez, le bouquet mêle fruits noirs (cassis, mûre) et épices douces, avec en vieillissant des notes de vanille et de sous-bois. Sa structure tannique affirmée, adoucie par 18 mois d’élevage en barrique, lui confère un équilibre remarquable et un potentiel de garde de 5 à 8 ans. En bouche, le Kallmet Reserve séduit par sa texture veloutée, ses tanins fins et sa fraîcheur persistante. Il s’accorde idéalement avec des viandes en sauce, des fromages affinés ou des plats de gibier, révélant alors toute la puissance et la finesse du terroir de Kallmet.

Berat et les collines centrales autour d’Osum

Nichée au cœur de l’Albanie centrale, la région de Berat et les collines qui bordent la vallée de l’Osum offrent un véritable trésor œnologique encore méconnu. Entre vieilles pierres classées à l’UNESCO, villages pittoresques et coteaux baignés de lumière, c’est ici que le cépage blanc autochtone Puls (Pulës), longtemps relégué à l’ombre, s’épanouit pour donner des vins d’une fraîcheur et d’une finesse étonnantes.

Brève histoire de la viticulture dans la région centrale

Au Moyen Âge, sous la domination byzantine puis celle des seigneurs locaux, les moines des monastères alentour vinifiaient le Pulës pour les offices liturgiques. La cité de Berat, carrefour commercial, exportait alors déjà de modestes quantités de vin vers les cités portuaires de l’Adriatique.

Durant près de cinq siècles d’occupation ottomane (fin XVe – début XIXe siècle), la viticulture se replie vers les zones chrétiennes et montagneuses, épargnées des grands domaines impériaux. Les vignes sont palissées autour des chênes pour profiter de la hauteur et échapper aux brumes matinales et aux maladies.

Sous le régime communiste (1944–1992), les vignobles de Berat furent collectivisés et sacrifiés à la quantité : on privilégia la production de base pour l’export, au détriment de la typicité régionale. Le Pulës fut alors mélangé à d’autres cépages dans de vastes cuves d’État, sa plénitude aromatique bien souvent diluée.

Depuis les années 2000, suite à la restitution des terres aux viticulteurs locaux, la région de Berat connaît une véritable résurrection œnologique. Des domaines comme Kantina Nurellari (fondée en 1992) et Kantina Çobo (racines familiales du début XXe siècle) remettent à l’honneur le Pulës, désormais conduit en taille Guyot et récolté manuellement pour préserver sa fraîcheur et sa pureté aromatique. La tenue du festival « Wine & Stories of Berat » depuis 2018 attire amateurs et professionnels, témoignant de la croissance rapide de la réputation de ce terroir au-delà des frontières albanaises.

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Terroir, spécificités et techniques humaines

Les coteaux de Berat s’étendent de 300 à 600 m d’altitude, façonnés par la rivière Osum dans un paysage de collines douces. L’exposition sud-sud-est assure un ensoleillement optimal, tandis que les pentes modérées favorisent un drainage naturel des parcelles. Les vignerons pratiquent traditionnellement la conduite en pergola, maintenant depuis l’époque ottomane, qui protège les grappes des fortes chaleurs et favorise une aération constante.

Aujourd’hui, la taille Guyot et la vendange manuelle sélective sont de rigueur chez Kantina Nurellari et Kantina Çobo, garantissant une maturité homogène et une qualité de baie irréprochable. Les raisins sont acheminés en cagettes vers la cave, où l’on privilégie des macérations longues à basse température et un élevage sur lies fines pour préserver la fraîcheur du Pulës.

La gestion de la vigne intègre de plus en plus de pratiques durables : labour minimal, engrais organiques locaux (fumier de brebis) et couverture végétale contrôlée. Ces méthodes, promues par l’Association Albanaise des Vignerons, visent à renforcer la vigueur du sol et la biodiversité, tout en limitant l’usage de pesticides.

Climat de la région centrale

Le climat de Berat est de type méditerranéen continental, caractérisé par des étés chauds et secs (moyenne : 25–30 °C) et des hivers frais et humides (5–10 °C). Les précipitations annuelles, autour de 800 mm, se concentrent surtout de novembre à mars, rechargeant les nappes avant la période végétative.

La rivière Osum génère une brise thermique en fin de journée, créant un contraste jour-nuit jusqu’à 15 °C. Ce phénomène favorise la concentration aromatique des baies et la conservation d’une acidité naturelle essentielle pour l’équilibre des vins blancs comme le Pulës.

Au printemps, des orages soudains peuvent survenir ; la pergola et le travail en vert (effeuillage) aident à limiter l’humidité excessive et la pression cryptogamique. Les vignerons adaptent leur calendrier de traitements biologiques pour protéger les vignes sans compromettre l’expression du terroir.

Géologie et sols

Le sous-sol de Berat est dominé par des calcaires crayeux du Crétacé, mêlés localement à des marnes gréseuses. À mi-pente, les alluvions de l’Osum déposent limons et sables fins, tandis que les versants plus pentus offrent des graviers roulés issus d’anciens cours d’eau. Cette mosaïque crée autant de micro-terroirs :

  • Terrasses calcaires : sols maigres, favorisent la concentration aromatique.
  • Alluvions légères : rétention d’eau idéale pour les périodes sèches.
  • Graviers : drainage optimal et restitution nocturne de chaleur, accélérant la maturité des raisins.

Ces sols minéraux confèrent au Pulës sa minéralité caractéristique, alliée à une rondeur élancée, véritable signature de Berat. La diversité géologique permet aussi l’émergence de cuvées parcellaires, très prisées des connaisseurs.

Le vin de la région centrale

Le Pulës i Beratit (Puls) est la quintessence du terroir local : 100 % cépage Puls, récolté à pleine maturité (13–14 % vol.). Il se distingue par une robe jaune pâle aux reflets verts, signe de jeunesse et de fraîcheur.

Au nez, un bouquet floral (fleurs blanches, tilleul) se mêle à des notes d’agrumes (citron vert, pamplemousse) et à une subtile pointe minérale évoquant la craie et la salinité. Cette combinaison lui offre à la fois vivacité et complexité. En bouche, l’attaque est franche, portée par une acidité vive, puis s’adoucit sur une finale persistante où éclatent des arômes de fruits à chair blanche (poire, pêche) et d’anis doux. Servi à 10–12 °C, il s’accorde merveilleusement avec des mezzés, des poissons grillés ou des fromages frais.

Përmet et la vallée de la Vjosa

Au cœur du sud-est de l’Albanie, la vallée sauvage de la Vjosa abrite la petite ville de Përmet, « la Cité des Roses », où la viticulture se mêle à des paysages grandioses. Ici, sur les pentes abruptes des monts Pindus, le cépage blanc autochtone Debinë e Bardhë et les variétés rouges locales révèlent des vins d’une fraîcheur et d’une authenticité rares, nés d’un terroir préservé et d’un savoir-faire ancestral.

Histoire de la viticulture dans la région de Përmet

Les premières traces de vigne dans la vallée de la Vjosa remontent à l’Âge du bronze, lorsque les Illyriens cultivaient déjà des cépages sauvages pour leur consommation et leurs rites ; plusieurs fouilles ont mis au jour des restes de pressoirs et d’amphores sur les rives du fleuve. Sous l’Empire romain, la voie Égnatie, qui longeait la vallée, facilita l’essor de la viticulture, les vins locaux trouvant preneurs jusqu’aux cités portuaires de l’Adriatique et aux légions romaines en stationnement dans la région.

Du XVe siècle à la fin du XIXe, l’occupation ottomane limita la production viticole aux zones chrétiennes enclavées, dont fait partie Përmet, préservant ainsi la culture du raisin malgré les interdictions religieuses et les lourdes taxes ; les ceps étaient souvent palissés dans les chênes pour échapper à l’humidité matinale et aux maladies cryptogamiques.
Après 1944, la collectivisation imposa des rendements massifs aux coopératives d’État, diluant l’identité des vins de la Vjosa au profit de volumes d’exportation ; la qualité souffrit jusqu’à la chute du régime en 1992.

Depuis les années 2000, la restitution des terres et l’initiative de jeunes producteurs ont ravivé les coteaux de Përmet : Cantina Bualioti, fondée dans le quartier de Lagjja e Re, a remis au goût du jour le Debinë et le Merlot locaux, traités en vendanges manuelles et en cuves inox thermorégulées. Aujourd’hui, le festival « Përmet Wine Fest » et la reconnaissance internationale de cuvées artisanales témoignent d’une nouvelle ère où tradition et modernité œnologique font bon ménage.

Terroir, spécificités et impact de l’homme

La région de Përmet s’étire de 300 à 800 m d’altitude sur les contreforts des Pindus, offrant des coteaux exposés sud-est à sud-ouest, idéaux pour capter un ensoleillement généreux tout en bénéficiant de brises rafraîchissantes descendantes de montagne.

Les vignerons pratiquent traditionnellement la conduite en pergola, vestige ottoman qui protège les grappes des excès de chaleur et limite les risques de pourriture ; depuis peu, la taille Guyot et la vendange manuelle sélective complètent cette approche, assurant une maturité homogène et une expression aromatique intense.

En cave, l’équipement moderne (cuves inox à température contrôlée, pressoirs pneumatiques) cohabite avec des méthodes traditionnelles (fermentations spontanées, élevages sur lies fines), reflétant la volonté locale de minimiser l’intervention et de valoriser le caractère unique du Debinë et des vins rouges de la vallée.

Climat de la vallée de la Vjosa

Grâce à son climat méditerranéen à influence montagnarde (classification Köppen Csb), Përmet jouit de été chauds (moyenne quotidienne : 20–23 °C en juillet–août) et de hivers frais (3–6 °C en janvier–février), avec plus de 1 300 mm de précipitations annuelles, concentrées hors période végétative, et près de 3 876 heures d’ensoleillement par an.

Les variations thermiques importantes entre le jour et la nuit (jusqu’à 15 °C d’écart) préservent l’acidité naturelle des raisins et favorisent la complexité aromatique, essentielle pour les vins blancs vifs et les rouges structurés.

Au printemps, des pluies orageuses rafraîchissent le sol, tandis que le travail en vert (effeuillage, éclaircissage) permet de contrôler l’humidité et de prévenir les maladies cryptogamiques, garantissant des fruits sains à la récolte.

vignoble Max mavrut
Vignoble Max mavrut

Géologie et sols

Les sols de Përmet sont principalement argilo-siliceux : un mélange de limons fins déposés par la Vjosa et d’argiles aérant, avec des poches de graviers roulés issus d’anciens lits alluviaux, qui assurent un drainage optimal tout en restituant la chaleur nocturne aux ceps ; cette combinaison favorise la concentration des arômes et la structure tannique des vins rouges.

Sur certains coteaux, des calcaires crayeux affleurent, imprégnant les vins blancs d’une minéralité saline et portant la signature du terroir sur la longueur.

La diversité géologique de la vallée se traduit par une mosaïque de terroirs, exploités par les vignerons pour élaborer des cuvées parcellaire, chacune révélant un équilibre unique entre fraîcheur, tension et richesse aromatique.

Le vin de la vallée de la Vjosa

La Debinë e Bardhë de la cave Bualioti est la référence blanche de Përmet : d’un jaune paille lumineux, elle captive par ses reflets verts et sa limpidité cristalline. Au nez, elle déploie un panier floral (fleurs blanches, acacia) et fruité (pomme verte, poire), avec une pointe de minéralité rappelant la craie et l’herbe fraîche. Sa bouche, aérienne et portée par une acidité vive, offre une belle persistance, où se mêlent agrumes et imposent une salivation gourmande. Elevée sur lies fines, il présente une texture soyeuse et se marie parfaitement avec les mezzés locaux (poissons grillés, fromages frais), révélant toute la finesse du cépage autochtone et la pureté du terroir de la Vjosa.

Les plaines côtières autour de Durres, Dukat, Orikum et Radhimë

Entre la mer Adriatique et les monts Acrocérauniens, les plaines côtières de Durrës s’étendent jusqu’aux terroirs plus sauvages de Dukat, Orikum et Radhimë, formant l’un des berceaux viticoles les plus prometteurs d’Albanie. Entre brises marines et collines calcaires, cépages autochtones et variétés internationales s’y épanouissent pour donner des vins à la fois frais, minéraux et empreints de caractère.

Histoire de la viticulture dans les plaines côtières d’Albanie

Période antique et médiévale

Dès l’Antiquité, la cité portuaire de Durrës (Durrachium) importait et produisait le vin : les fouilles archéologiques mentionnent amphores et outillages de pressoir, témoins d’une viticulture locale déjà structurée pour alimenter les marchés romains de l’Adriatique. Les Grecs et les Romains appréciaient la fraîcheur saline des vins produits sur ces rivages, préparés autant pour la consommation journalière que pour les cérémonies religieuses.

Au Moyen Âge, alors que le commerce maritime décline, la vigne survit dans les domaines des monastères byzantins et des petits seigneurs côtiers. Les moines perpétuaient les traditions viticoles, cultivant notamment le Shesh i Zi et le Shesh i Bardhë sur les collines surplombant la baie de Durrës.

Période ottomane et collectivisation communiste

Sous la domination ottomane (XVe-XIXe siècle), la viticulture resta cantonnée aux zones chrétiennes proches du littoral, échappant aux fortes taxes liées à la production d’alcool. Les vignerons pratiquaient la conduite en pergola, protégeant les grappes de la canicule estivale et des embruns salins.

À l’ère communiste (1944–1992), les coopératives d’État privilégiaient les rendements massifs pour l’export : les cépages locaux étaient souvent assemblés et vinifiés en masse, faisant passer au second plan la typicité des terroirs de Durrës et des collines d’Orikum.

Renaissance contemporaine

Depuis les années 2000, la restitution des parcelles aux familles et la volonté de jeunes œnologues ont insufflé un renouveau : Kantina & Ferma Dukat (1993) valorise la Vlosh, tandis que Kantina Belba redonne ses lettres de noblesse au Shesh i Zi sur la plaine alluviale de Kavajë–Durrës. Les micro-cuvées et les pratiques durables (vendanges manuelles, élevage soigné) sont désormais la norme, révélant la diversité exceptionnelle de cette région viticole.

Kantina & Ferma Dukat
Kantina & Ferma Dukat

Terroir, spécificités et techniques humaines

 Les vignobles s’étirent de 0 à 300 m d’altitude, passant des sols sableux et graveleux de la plaine côtière aux pentes calcaires et limoneuses des collines d’Orikum et Radhimë. Cette gradation de terroirs permet la culture simultanée de cépages rustiques (Shesh i Zi) et exigeants (Serina).

Historiquement, la pergola offrait ombre et ventilation aux grappes. Aujourd’hui, la taille Guyot et les vendanges manuelles sélectives se généralisent, favorisant une maturité optimale et un faible rendement par cep, gage de qualité aromatique.

En cave, cuves inox à température contrôlée et élevages sur lies fines cohabitent avec fermentations spontanées : l’objectif est de préserver la pureté du fruit et la fraîcheur saline, signature des vins de cette région entre mer et montagne.

Climat des plaines côtières

Le climat est méditerranéen à influence maritime : étés chauds (moyenne 25–30 °C) et secs, hivers doux (8–12 °C) avec pluies concentrées de novembre à mars. L’ensoleillement dépasse 2 700 heures par an, assurant une maturation pleine et régulière des raisins.

Les brises marines de l’Adriatique tempèrent les températures diurnes et créent un important écart jour-nuit (jusqu’à 12 °C), préservant l’acidité naturelle et renforçant la tension aromatique, notamment dans les blancs (Shesh i Bardhë, Serina).

Au printemps, les rares orages locaux rechargent le sol en eau sans compromettre la santé des grappes, grâce à l’exposition et aux pratiques culturales (effeuillage, éclaircissage) adaptées par les vignerons.

Géologie et sols

Les sols de la plaine côtière sont alluvionnaires, composés de sables et graviers anciens, très drainants et favorables aux raisins mûrs et concentrés.

En remontant vers Dukat et Orikum, on trouve des calcaires crayeux du Mésozoïque mêlés à des marnes et des limons, offrant une rétention hydrique modérée et apportant une salinité minérale caractéristique aux vins blancs et rouges.

Autour de Radhimë, des poches de galets roulés issus d’anciens cours d’eau alluviaux améliorent le drainage et restituent la chaleur nocturne, participant à la complexité et à la profondeur des cuvées de terroir.

Les vins des plaines côtières

Du côté des plaines du nord, la cuvée Shesh i Zi de Kantina Belba, plantée sur le domaine Golemas à Kavajë, incarne l’élégance de ce cépage historique. Sa robe est d’un grenat profond aux reflets violacés, annonçant une cuvée riche et structurée. Au nez, elle révèle un bouquet de baies noires (mûre, cassis), rehaussé de notes herbacées (thym, romarin) et d’épices douces (cannelle, poivre blanc). En bouche, les tanins soyeux s’équilibrent sur une acidité rafraîchissante, offrant une finale longue et légèrement saline, reflet du terroir côtier. Elevée en barriques de chêne usagé, cette cuvée développe des notes vanillées et torréfiées qui viennent sublimer sa matière fruitée. Servie à 16–18 °C, elle s’accorde parfaitement avec les grillades méditerranéennes ou les plats épicés.

La “Vlosh Coastal Reserve” de Kantina & Ferma Dukat, élaborée à 100 % à partir du cépage autochtone Vlosh des plaines alluviales de Dukat, Orikum et Radhimë, se distingue par sa robe grenat profond aux reflets violacés, son nez intense de mûre sauvage et de prune noire mêlé à une note fumée et graphite, rehaussé d’accents herbacés de thym et de romarin portés par la brise marine, et sa bouche franche et soyeuse, soutenue par des tanins fermes mais élégants, adoucis par 12 mois d’élevage en demi-muids qui lui apportent une subtile vanille boisée ; sa longue finale saline, ponctuée de poivre et de cacao amer, évoque la fraîcheur côtière et s’accorde à merveille avec agneau rôti aux herbes, fromages à pâte dure ou tajine d’agneau aux épices douces.

Les hauts-plateaux de Korça

Perchée entre 600 et 1 000 mètres d’altitude, la région des Hauts-plateaux de Korça détonne par son air pur et son terroir d’exception. Ici, les cépages autochtones Debinë e Zezë (rouge) et Debinë e Bardhë (blanc) cohabitent avec quelques variétés internationales, donnant naissance à des vins frais, minéraux, et d’une grande pureté aromatique, reflet fidèle de ces montagnes encore confidentielles.

Histoire de la viticulture dans les hauts-plateaux de Korça

Période antique et médiévale

Les premières traces de viticulture dans la zone de Korça remontent au Bronze ancien, lorsque les Illyriens cultivaient déjà la vigne pour leurs rites et leur consommation quotidienne ; des fouilles archéologiques attestent la présence de jarres et de fragments de pressoirs datant de plus de 3 000 ans. Sous l’Empire romain, la région, alors intégrée à la province de Mésie, exportait ses vins vers les marchés de l’Adriatique : les décorations de mosaïques et de mosaïques en marbre de la cité romaine d’Antigone (aujourd’hui Korça) en témoignent, soulignant l’importance économique de la viticulture à cette époque.

Période ottomane et collectivisation communiste

Avec l’arrivée des Ottomans à la fin du XVe siècle, la production se replie dans les zones chrétiennes de montagne : les souches sont palissées en pergola pour échapper à l’humidité, et la viticulture reste essentiellement villageoise, à l’écart des grandes voies de commerce. 

Durant la période communiste (1944–1992), les vignobles sont collectivisés ; la production augmente en volume, mais la spécialisation régionale perd en typicité, les cépages locaux étant souvent assemblés en masse dans les coopératives d’État avant exportation — le plateau de Korça n’échappe pas à cette uniformisation.

Renaissance contemporaine

Depuis l’an 2000 et la restitution des terres, la viticulture de Korça connaît un renouveau : l’accent est mis sur la qualité, la vendange manuelle et la préservation des cépages autochtones. Les autorités albanaises, soutenues par l’Union européenne, encouragent aujourd’hui la plantation de Debinë et la création de micro-cuvées, redonnant au plateau son statut de terroir d’exception.

Korça
Plateau de Korça

Terroir, spécificités et techniques humaines

Le plateau de Korça présente une déclivité douce (600–1 000 m) qui offre un drainage naturel et un contraste thermique important : les journées chaudes et les nuits fraîches concentrent les arômes et préservent l’acidité. Les vignerons pratiquent traditionnellement la taille Guyot et la vendange manuelle, gages de maturité homogène et de sélection rigoureuse des grappes.

Les parcelles sont plantées majoritairement sur des sols argilo-siliceux profonds, propices à la fraîcheur et à la finesse ; certains coteaux plus pentus révèlent des poches de granite et de marbre, qui impriment aux vins une salinité et une tension minérale incomparables.

En cave, l’emploi de cuves inox thermorégulées et de foudres anciens permet d’allier précision œnologique et respect de la tradition : fermentations spontanées, élevage sur lies fines et interventions limitées pour laisser parler le terroir.

Climat des hauts-plateaux

Le climat est montagnard méditerranéen (Köppen Csb) : étés chauds et secs (moyennes de 24–28 °C), hivers froids (−2 °C à 5 °C) et plus de 900 mm de précipitations annuelles, essentiellement hors période de maturation des raisins.

Les écarts thermiques de plus de 15 °C entre le jour et la nuit renforcent la fraîcheur des cépages blancs et l’élégance tannique des rouges, tout en prolongant la maturation pour un équilibre optimal.

Au printemps, les orages bénéfiques viennent recharger les réserves hydriques ; les vignerons contrôlent l’humidité par des effeuillages précoces et un éclaircissage raisonné, limitant le risque de maladies cryptogamiques.

Géologie et sols

Les hauts-plateaux reposent sur un socle métamorphique mêlant granites, gneiss et schistes, recouvert d’épais horizons d’argile silteuse.

Les zones les plus élevées, souvent appelées « terrasses granitiques », offrent un drainage extrême et forcent les racines à plonger profond, contribuant à la concentration minérale et à la structure tannique des vins rouges.

En contrebas, les zones d’alluvions anciennes apportent des sables fins et des limons qui retiennent l’eau, assurant la survie des ceps lors des canicules et participant à la rondeur des blancs de Debinë.

Le vin des hauts-plateaux

Le vin issu du cépage Debinë e Bardhë se pare d’une robe jaune pâle aux reflets argentés, annonçant une élégance toute en finesse ; au nez, il séduit d’emblée par un bouquet floral raffiné où se mêlent l’acacia, le tilleul et la fleur d’oranger, rehaussé de nuances d’agrumes frais — zeste de citron vert, pamplemousse rose — et ponctué d’une subtile pointe de citronnelle. En fond, on décèle une délicate minéralité crayeuse, presque saline, qui rappelle la pierre blanche des coteaux, tandis qu’un souffle d’herbes aromatiques — menthe douce et verveine — vient ouvrir la palette. En bouche, son attaque est vive, portée par une acidité dynamique, puis s’arrondit sur des saveurs de poire Williams et de pomme verte, avant de laisser persister une finale longue et brillante, marquée par une touche de coing mûr et de miel d’acacia, conférant à ce Debinë e Bardhë une harmonie parfaite entre fraîcheur, pureté aromatique et profondeur minérale.

Le vin issu du cépage Debinë e Zezë se présente avec une robe pourpre profonde, presque noire, bordée de reflets violacés qui témoignent de sa jeunesse et de sa concentration. Au nez, il déploie un bouquet intense de fruits rouges et noirs – cerise noire mûre, mûre sauvage et prune noire – enrichi de nuances épicées de poivre blanc, de girofle et d’une pointe de cacao amer. En arrière-plan, on perçoit de subtiles touches florales rappelant la violette sauvage, tandis qu’une fraîcheur herbacée, évoquant la menthe poivrée et le thym, apporte équilibre et vivacité. En bouche, l’attaque est ample et soyeuse, portée par des tanins fermes mais élégants, qui se fondent progressivement pour laisser place à une acidité maîtrisée et à une trame minérale discrète, presque graphite, héritée des sols granitiques de Korça. La longue finale, d’une intensité remarquable, révèle un retour sur la réglisse noire et les épices douces, offrant une sensation chaleureuse et durable, idéale pour accompagner gibiers en sauce, viandes grillées ou plats en réduction de fruits.

Avez-vous déjà goûté les vins albanais ? Partagez vos impressions dans les commentaires ci-dessous.

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